dimanche 3 août 2014

Une évaluation par ceintures en histoire-géographie ? 1 - Pourquoi ?

"En histoire-géo, pourtant, ce n'est pas difficile, il suffit d'apprendre"... combien de fois cette phrase revient-elle lors des réunions parents-professeurs. Elle est révélatrice de deux perceptions :
- l'histoire et la géographie se résument à un cumul de connaissances factuelles ;
- l'apprentissage de ces données factuelles va de soi et ne nécessite pas un savoir-faire spécifique sinon de fournir l'effort nécessaire à la mémorisation.
Les élèves ont progressivement une compréhension différente de ces matières, à force d'insister sur les capacités travaillées.
Les évaluations sont l'une des pistes de cette incompréhension ou compréhension incomplète.

Constat initial et objectifs

  • Pour l'instant, les évaluations sont préparées en amont (le "je sais" résume ce qu'il faut maîtriser pour réussir) ; au moment de l'évaluation, les capacités travaillées sont explicitées dans les intitulés, mais le degré d'acquisition n'est pas indiqué sinon par la note chiffrée. Cela reste peu explicite pour les élèves, mais j'ai toujours peiné avec le tableau des capacités/compétences dans lequel il faut cocher non acquis/en cours d'acquisition/acquis. En effet, comment faire comprendre à l'élève que le "acquis" en 6e dans la case compétence C5.1 ne signifie pas validation de cet item dans livret personnel de compétences ?
  • 2e objectif : insister sur la progressivité dans les acquisitions de capacités ou de compétences. En effet, les attentes en 6e ne sont plus celles de 3e ; cela dépasse le cadre de l'évaluation, mais cette dimension doit également être prise en considération.
  • 3e objectif : un outil pour améliorer la différenciation. Pour des élèves, le cours va trop vite, pour d'autres, on pourrait aller plus loin ; cette hétérogénéité est courante, le travail par activités de niveaux différents apporte des réponses. L'utilisation d'un outil récapitulatif permettrait d'affiner la compréhension de la situation de la classe et de chacun des élèves et, ainsi, de proposer des situations d'apprentissage plus adaptées ;
  • 4e objectif : la motivation des élèves. La note chiffrée, la non explicitation complète, l'absence de positionnement dans les attentes sont des facteurs de démotivation possible.
  • 5e objectif : s'appuyer sur la liaison école/collège, pour préciser les attentes à l'entrée de collège. Une première discussion autour d'une évaluation diagnostique en entrée de 6e a servi de base, la réflexion sur l'évaluation (contenu et forme) va dans le même sens ; à terme, il faudrait faire la même liaison avec le lycée ; il s'agit donc de trouver un outil de travail et de réflexion commun.

Quels intérêts à l'évaluation par ceintures ?

 L'évaluation par ceintures mise au point par Fernand Oury nécessite une prise en compte des situations d'enseignement dans leur ensemble : elle n'est pas mise en action seulement au moment de l'évaluation où l'élève compose, rédige, répond.
  • la graduation pour chaque ceinture met bien en avant l'idée d'une progressivité dans l'acquisition des capacités/compétences.
  • Elle nécessite la construction d'une grille-référentiel qui permette aux élèves de se positionner, de connaître ce sur quoi ils seront évalués pour obtenir la ceinture visée.
  • De même, les élèves choisissent le moment où ils s'estiment prêts à passer la ceinture ;
  • des outils sont mis à leur disposition pour les aider à les passer (conseils, entraînements, etc.). 
  • L'autre aspect mise en avant intéressant est le tutorat par des élèves qui ont obtenu une ceinture plus élevée. L'existence de plusieurs ceintures différentes permet de ne pas mettre en avant une concurrence/une hiérarchie entre les élèves mais que certains élèves ont plus avancé que d'autres sur certaines ceintures mais qu'ils ont besoin d'aide sur d'autres ; le tutoré sur une ceinture peut donc très bien être tuteur pour une autre.

Est-ce adapté à l'histoire-géographie?

Plusieurs questions sont venues au sujet de la construction de la grille des ceintures :

1. Doivent-elles être déclinées pour chacune des années de collège ou doivent-elles être tous niveaux confondus ?
  • Les réalisations en école primaire montrent l'utilité pour des classes à plusieurs niveaux, des élèves d'âge différent. Le principe de ceintures pour chacun des niveaux ne semble pas approprié.
  • L'utilisation d'un classeur-outil complété année par année était déjà un pas pour considérer les apprentissages sur l'ensemble de la scolarité de collège plutôt que chaque niveau indépendamment les uns des autres. 
  • La motivation risque cependant de s'effriter si un écart trop important vient s'insérer entre l'acquisition de chaque niveau de ceinture. La présence de plusieurs ceintures et des progressivités à des rythmes différents selon celles-ci devraient limiter ce risque.
2. Quelles ceintures ?
L'association PIDAPI (parcours individualisés et différenciés des apprentissages en pédagogie institutionnelle) propose une déclinaison de ceintures pour l'enseignement primaire, cycle III. A l'heure actuelle, je n'ai pas trouvé de documents équivalents pour le niveau collège avec ses déclinaisons (propres ou partagées) en histoire-géographie. Même si un tel "référentiel" existait, il réclame des ajustements à ses pratiques d'enseignement et est certainement en perfectionnement constant, C'est d'ailleurs ainsi que les membres de PIDAPI envisagent les fichiers proposés (p.3).

3. Quelles sont les limites ?
Plusieurs limites peuvent être mises en avant telles celles que listent Florence Castingaud et Jean-Michel Zakhartchouk pour la pédagogie par objectifs ainsi que Jean-Michel Zakhartchouk et Anthony Lozach pour la méthode Antibi (Castingaud et Zakhartchouk, 2014, pp.31-33, 50-53) :
  •  le risque de limiter les compétences à des tâches quantifiables à l'acquisition vérifiable. L'explicitation de critères de réussite pour obtenir une ceinture, n'est-ce pas créer une nouvelle grille de cases à cocher ? Il y a une "prétention d'une évaluation quasi "scientifique"" (p.33)
  • N'est-ce pas une réduction à des tâches à accomplir pour acquérir une compétence alors que celle-ci implique la mise en place de stratégies propres pour aboutir à la résolution de solutions concrètes, y compris et surtout hors du champ éducatif ?
  • le risque de réduire l'accès à la complexité pour suivre une progression trop linéaire.
L'élaboration de ceintures différentes progressivement acquises pourrait éviter une partie de ces limites : la progression, le rythme ne sont alors pas aussi uniformes ; on s'éloigne ainsi d'une "individualisation standardisée" pour s'approcher un peu plus d'une pédagogie différenciée (p.33).
Du reste, il est important de varier les pratiques pédagogiques, l'évaluation par compétences à travers les ceintures ne signifie aucunement renoncer à la pédagogie de projet par exemple.

Bibliographie/sitographie

- Dossier Evaluer à l'heure des compétences.- Cahiers pédagogiques, n° 491, septembre-octobre 2011, pp.10-59.
- Développer des compétences en histoire-géographie.- Cahiers pédagogiques, hors-série numérique, n°29, novembre 2012, 59 p.
- Florence CASTINGAUD et Jean-Michel ZAKHARTCHOUK, L'évaluation. Plus juste et plus efficace : comment faire ?, Amiens, collection Repères pour agir série Dispositifs, CRAP/CANOPE, 2014, 237 p.
- Pas encore lu : Dominique NATANSON et Marc BERTHOU, Des ceintures pour évaluer les compétences à l'école, collection Aide aux apprentissages, Paris, Fabert, 2014 (à paraître), 96 p.



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